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INTRODUCTION
La magie du mot Tahiti s'est construite au fil des siècles sur un socle de traditions écrites ou orales occidentales, commençant dès Bougainville, et magnifiant cette région du monde jusqu'à en faire l'incarnation du paradis terrestre.
Parmi les symboles les plus forts de cet Eden, des mythes, comme celui des "vahine", celui des couleurs (grâce à Gauguin), celui de la liberté (dans le sillage des révoltés de la "Bounty") ou plus simplement celui de la beauté naturelle (quel mur d'agence de voyage n'est pas orné d'un poster représentant une plage ourlée de cocotiers ?)
Mais depuis quelques années, un autre ingrédient est venu s'additionner à cette savante alchimie, et pas n'importe lequel, puisqu'il fait rêver les femmes du monde entier: la perle de culture de Tahiti. Un ingrédient qui synthétise tous les mythes précédents, puisque la beauté, les couleurs et la magie des mers du Sud se retrouvent tout entières dans les quelques millimètres de ces sphères d'aragonite, petits mondes ou petites planètes parfaites...
"Aile de mouche", "aubergine", grise ou noire intense, la perle de Tahiti est désormais indissociable de nos archipels polynésiens, qui sont les seuls sur le globe à produire le plus prestigieux des joyaux de la mer. Aucun corail, fut-il noir ou carmin, aucune autre perle, eut-elle la taille d'une bille, n'égale les somptueuses gemmes que renferment les lagons de Polynésie française. Cet exposé se propose de vous permettre de découvrir à votre tour le monde de la perle de culture de Tahiti, pour succomber à ses charmes en toute connaissance de cause...

CAILLOUX RONDS ET COQUILLES
Les premières pierres connues sont liées à notre lointain ancêtre, l'homme de Neandertal, qui, le premier, ramassa de curieux cailloux ronds, des os, des coquillages, et les perça pour s'en parer, lui ou sa compagne.
Toujours pendant la préhistoire, l'Homo sapiens fut, lui aussi, fasciné par les perles, qu'il fabriqua à partir de coquilles d'œufs ou de pierres semi-précieuses vaguement rondes ramassées dans les rivières : agate, turquoise, lapis-lazuli.
Plus tard, dans l'Antiquité chinoise, indienne, perse, grecque ou romaine, la perle tirait sa valeur d'abord de sa forme ronde, parfaite, et de son orient si elle était iridescente. Son nom, "unio" en latin, tenait au fait que, pour les Romains, il n'y en avait pas deux pareilles. Elles étaient toutes uniques.
L'ancien testament fait référence au prix de ces bijoux dont le plus ancien qui nous soit parvenu est un collier à trois rangs d'une princesse perse de Suse (350 av. J.C). A l'époque, les perles viennent du Golfe Persique, de la Mer Rouge, et de Ceylan, et accompagnent avec faste les riches heures de l'Empire romain jusqu'à sa décadence. La découverte du Nouveau Monde et des perles du Golfe du Mexique relancera leur mode (bancs d'huîtres de Margarita).

CONTES ET LÉGENDES
Longtemps, sans doute depuis que l'homme est homme, la perle a suscité sa curiosité autant que son admiration. Si les veines de schistes ou les alluvions livrent avec parcimonie, émeraudes, saphirs ou rubis, ce ne sont que des pierres brutes, des "cailloux" nécessitant tout le savoir faire des lapidaires pour acquérir leurs feux.
La perle, au contraire, est offerte à l'homme par l'huître ou la nacre dans toute sa splendeur. Il n'y a plus rien d'autre à faire qu'à creuser la paume de sa main et à ouvrir grand les yeux. Normal qu'un tel prodige ait suscité bien des interrogations chez nos ancêtres qui palliaient le manque de rigueur scientifique par un sens inné de la poésie.
Pour les anciens Chinois, les perles étaient conçues dans le cerveau des dragons. Des écrivains hindous les rattachent aux nuages, aux éléphants, aux serpents, aux sangliers, aux poissons et parfois seulement aux huîtres elles-mêmes.
Plus tard, les Dieux furent tenus pour pères des perles. Plus proche de la réalité, les Grecs et les Romains pensent que la perle naît dans une huître par la grâce d'une goutte de pluie ou de rosée ayant pénétré entre les valves. Même interprétation en Perse. Si la perle est déformée, on y voit l'intervention, toujours céleste, du tonnerre.
Gouttes de rosée cristallisées, semences célestes ou divines ?
D'autres versions encore plus colorées les font naître de la rencontre de l'arc-en-ciel et de la terre.
En Orient, à nouveau, on associera la perle aux larmes : pleurs des anges, des sirènes, de naïades mythiques où la douleur et la souffrance se mêlent parfois étroitement à l'amour et à la félicité.
A Ceylan, la légende la plus touchante est celle qui raconte comment Adam et Eve pleurèrent longuement Abel. Leurs larmes, recueillies pour former un lac, donnèrent naissance aux perles. Autre variante, des larmes versées par Eve après le péché sont nées les perles blanches ou roses. De celles d'Adam sont nées les perles grises et noires, plus rares et plus précieuses encore, car l'homme sait mieux maîtriser son chagrin.
Divine ou naturelle, la naissance de la perle a toujours été synonyme de pureté. Ce fut si vrai que certains ecclésiastiques virent jadis dans la genèse mystérieuse de la perle, une intervention du même ordre que lors de... l'Immaculée Conception !


FRAGILES LAGONS
Au cœur d'un immense continent bleu, le Pacifique, la Polynésie française égrène des îles-perles, faites de lave et de corail.
La Terre, ou plutôt les terres, ne sont ici que de minuscules ponctuations dans l'ode que les vagues composent à la gloire de l'océan immense.
Tous, fiers volcans ou simples anneaux coralliens, ne sont que de petites concessions faites par la mer aux grands oiseaux migrateurs et aux tortues, qui peuvent ainsi se reposer et nicher à l'ombre des cocotiers. L'homme, bien plus tard, a suivi le vol des oiseaux sur de grandes pirogues doubles. Envoûté par le mariage de la terre et de l'eau, célébré par l'alliance dorée de la barrière de corail autour du lagon, il n'est jamais reparti.
Tout ici est fragile, à commencer par les îles elles-mêmes, qui naissent d'une spectaculaire explosion volcanique pour finir englouties à jamais, comme dissoutes dans et par le bleu céruléen.
Lorsqu'elle jaillit du fond de l'océan, l'île encore fumante prend ses marques en imposant sa masse de basalte aux colères de la mer. Amenées par les courants, des larves de corail se fixent sur son pourtour formant un trottoir frangeant de calcaire.
Violé par le volcan, l'océan est vengé, avec la complicité de la terre mère, lorsque l'île, sous son propre poids, finit par s'enfoncer dans les profondeurs du magma, lentement, à des vitesses géologiques qui se mesurent en millions d'années.
Le corail en revanche, celui qui s'est accroché sur le pourtour de l'île, ne pouvant se passer de la lumière du soleil, est condamné à croître, formant bientôt une barrière entre l'océan immuable et le rocher. Ainsi naissent les lagons dont l'auréole conserve le souvenir des dimensions de l'île aux premiers jours de sa naissance.
Plus elle est récente, plus le lagon est petit. Plus elle est ancienne, plus son lagon est grand.
C'est comme cela que vivent et meurent les oasis des mers du Sud, lentement englouties ; avant de totalement disparaître, elles restent un temps comme un souvenir posé sur l'océan. Vu du ciel, elles ne forment plus alors qu'un simple et fragile anneau de corail, l'atoll, sans aucune trace du volcan d'origine, étroite bague de cocotiers enfermant dans son lagon cette parcelle d'océan que l'homme domestique patiemment en élevant les grandes nacres perlières.


NACRES, HUÎTRES ET PERLES
Tous les coquillages ne produisent pas des perles, mais on peut considérer qu'un très grand nombre de bivalves (des dizaines d'espèces d'huîtres et de moules), sont capables de produire des perles de plus ou moins bonne qualité. C'est ainsi que même les moules cultivées pour finir dans les assiettes des gastronomes peuvent fabriquer une perle jaunâtre foncée, minuscule, tout comme les gros bénitiers des mers tropicales sont à même de donner le jour à des "billes" sans grand intérêt esthétique.
Le plus célèbre bivalve produisant des perles est Pinctada fucata (appelée aussi akoya), à qui l'on doit les traditionnelles perles blanches du Japon. Ce coquillage se rencontre dans les eaux tempérées et fraîches de l'Asie (Japon, Chine, Corée).
Un bivalve d'eau douce de petite taille, de culture très facile en Asie, Hyriopsis schegeli, permet aujourd'hui aux Japonais, mais aussi et surtout aux Chinois, d'inonder le marché de petites perles à bas prix allant du blanc crème au rose, en passant par des teintes jaune-doré.
Pinctada margaritifera est la grande nacre qui produit la perle de Tahiti, nacre que l'on trouve dans tout le Pacifique. Une nacre adulte (espérance de vie : 15 à 30 ans) peut peser jusqu'à 5 kilos.
Pinctada maxima est la plus grande de toutes : cousine de Pinctada margaritifera, elle peut dépasser 5 kilos et produit les très réputées "South sea pearls", notamment en Asie du Sud-Est et dans la région de Broome, en Australie (reflets crème, rose et jaune pâle).
Une autre nacre très belle, par sa coquille en forme d'aile, réputée pour la fabrication de "mabe", est la Pteria penguin, commune dans les mers asiatiques, en Thaïlande notamment, autour de Phuket.
Pinctada maculata : on la connaît surtout sous son appellation polynésienne de "pipi", petite nacre produisant de minuscules perles dorées, les "poe pipi". Mini-nacre, comparée à Pinctada margaritifera, elle vit dans le même biotope.

PINCTADA MARGARITIFERA
"L'huître perlière" de Polynésie française est une appellation fausse puisque l'animal, Pinctada margaritifera de son nom latin, est une grande nacre, appartenant à la famille des Pteriidae, réputée dans le monde entier pour la qualité de ses sécrétions nacrières. Pinctada margaritifera, que nous appellerons nacre pour plus de simplicité, fait partie des coquillages géants des mers chaudes, puisqu'un individu adulte atteint 30 cm de diamètre pour un poids de plus de 5 kg.
Certains spécimens de cette nacre, parfois aussi surnommée "huître perlière à lèvres noires" peuvent même atteindre le poids considérable de 9 kg.
La nacre se développe essentiellement dans les lagons, mais on en trouve aussi coté océan. Aux Marquises par exemple, où les îles ne sont pas ourlées de lagons, la nacre prolifère de manière sauvage en se fixant sur les rochers. Du fait de conditions de vie rustiques, elle ne grossit pas, là-bas, autant qu'elle peut le faire dans le calme des lagons.
Particularité de la Pinctada, ses changements de sexe au cours de sa vie, mais aussi en cas de stress.
On sait aujourd'hui que lorsqu'elle est femelle, elle pond toute l'année, avec deux "pics" aux changements de saisons. Il faut deux à trois ans pour qu'une nacre soit à même de se reproduire. Seule l'extraordinaire quantité d'œufs libérés par ces bivalves (des dizaines de millions par spécimen), permet d'assurer en milieu naturel la survie de l'espèce, les spermatozoïdes ne pouvant compter, pour féconder un œuf, que sur le hasard de leur rencontre.
Les larves sont ensuite la proie de tous les animaux se nourrissant de plancton. Enfin la coquille, lorsqu'elle est jeune, est la cible de nombre de carnassiers dont les balistes, redoutés des perliculteurs.
Fragile, Pinctada margaritifera, nécessite donc des soins constants de la part de ceux qui ont fait le pari de l'élever.

LA PREMIÈRE PERLE DE CULTURE
On prête à un Japonais, Kokichi Mikimoto, l'invention de la greffe, technique qui permet de faire produire à une nacre une perle lorsqu'on le souhaite. La première perle récoltée (en fait un mabe) le fut le 11 juillet 1893 dans la baie d'Ago, au Japon. Mais les historiens reconnaissent que la paternité de cet art est due à un autre Japonais, Tatsuhei Mise, qui obtint la première perle ronde en 1904. Un autre Japonais, Tokishi Nishikawa a découvert ce secret pratiquement à la même période, mais il fallut attendre quelques années pour que ces techniques deviennent officielles : les deux licences de Mise et Nishikawa furent déposées en 1907 ; en 1908, Mikimoto déposait à son tour son brevet ; trois documents qui furent en quelque sorte les actes de naissance de la greffe.
La technique archaïque de Mikimoto consistait alors à envelopper un petit noyau artificiel dans un morceau de tissu de nacre et à glisser le tout dans une autre "huître".
Ce procédé est assez lourd, et relève de l'opération chirurgicale traumatisante pour la nacre qui reçoit un corps étranger important dans son organisme. De ce fait, la mortalité était élevée. Les techniques plus légères qui consistent à n'introduire qu'un noyau et un greffon l'emporteront très vite, et en ce sens, Mise et Nishikawa avaient vu juste, puisque ce sont eux les découvreurs de cette technique. Mais leur collègue aura eu le mérite de comprendre très rapidement les débouchés que cette activité allaient avoir et il fut le véritable promoteur de la perle de culture, au Japon d'abord, dans le monde entier ensuite. A noter que dès 1914, Kokichi Mikimoto entreprit des travaux avant-gardistes sur une nacre peu connue, la... Pinctada margaritifera.
Mais au fait, qu'est ce qu'une perle "fine" et qu'est ce qu'une perle de culture ?
Par perle "fine", on désigne une petite sphère de carbonate de calcium, de l'aragonite pour être plus précis, formée par un bivalve confronté à un corps étranger introduit dans ses tissus : cet intrus peut être un simple grain de sable, ou une petite particule qui gêne l'animal ; celui-ci alors, dans une réaction de défense, secrète autour de l'intrus une fine couche d'aragonite, matière qui est la même que sa coquille. Cette sécrétion se fait par rotation permanente du corps qui va être isolé par la sécrétion : d'où une forme généralement arrondie.
La perle de culture est, au contraire, le fruit de l'intervention de l'homme sur un bivalve. C'est donc artificiellement que le greffeur introduit un intrus dans l'animal, dans le but de le contraindre à mettre en œuvre son processus de défense et à isoler ce corps étranger en le noyant dans de l'aragonite. La bille introduite artificiellement est appelée noyau ; en général, il faut lui adjoindre un petit morceau de manteau d'une autre nacre, et c'est à partir de ce greffon que la sécrétion d'aragonite commence.
Une perle est composée à plus de 90% d'aragonite pure. Si les perles et les coquilles réagissent si différemment à la lumière, c'est simplement parce que la sécrétion se fait dans un cas de manière sphérique et dans l'autre de manière horizontale. Cet empilement de fines lamelles d'aragonite (on compte un millier de couches sur une perle de qualité) permet à la lumière, du soleil ou artificielle, de jouer ensuite avec ces micro-cristaux d'aragonite, et de déterminer ce que l'on appelle l'orient d'une perle.
Sans trop entrer dans la technique, il faut retenir que perle fine et perle de culture sont toutes les deux des perles "naturelles", fabriquées par un bivalve. Il ne s'agit en aucun cas de "perles artificielles" ne faisant pas intervenir un procédé naturel d'élaboration de la nacre. La différence essentielle entre perle fine et perle de culture est que la seconde possède un noyau, que d'ailleurs des appareils de radiographie mettent en évidence lorsqu'un possesseur de perles a un doute. Si, en matière de bijoux anciens, le doute est souvent permis, notons qu'actuellement, sur le marché mondial, la perle fine a quasiment disparu.

AU TEMPS DE LA PLONGE...
On entend souvent évoquer les "huîtres perlières", terme impropre s'il en est, puisque les mollusques fabricant des perles destinées à la bijouterie en Polynésie française, sont des grandes nacres, "Pinctada margaritifera" de leur nom latin.
De tous temps, ces nacres ont été utilisées par les Polynésiens, premiers colonisateurs des îles des mers du Sud. Elles avaient une valeur utilitaire, certes, mais aussi une valeur ornementale et décorative. C'est ainsi que les parures anciennes étaient ornées de grandes nacres polies, aux reflets mordorés et chatoyants, qui ajoutaient sans aucun doute à la majesté de celui qui les portait. Et de fait, au cours de leur histoire, les nacres ont toujours intéressé l'homme non pas pour les perles qu'elles pouvaient renfermer (une perle pour 15 000 nacres disait-on) mais pour la beauté de leurs coquilles.
Après les parures ancestrales, ce sont les boutons de chemise, et une foule d'autres usages qui s'imposèrent pour la nacre (marqueterie, touches d'instruments de musique, etc..). Dès le début du XIXe siècle, on retrouve dans les archives polynésiennes trace d'une récolte de la nacre; le premier bateau répertorié dans ce commerce est le "Margaret", assurant un chargement de coquilles entre les Gambier et l'Australie en 1802. La demande ne cessant de croître, le nombre de ces navires et de leurs rotations entre San Francisco, Valparaiso ou Sydney se multiplia durant des décennies, dans la plus parfaite anarchie, puisqu'il fallut attendre la fin du siècle pour que l'administration française décide de contrôler cette activité "sauvage".
Moyennant un carré d'étoffe ou quelques babioles de la société moderne, couteau, fil de fer ou sac de riz, il était facile alors de se procurer des tonnes de coquilles, et d'ailleurs, cette activité de pure récolte, en réalité de véritable razzia, sans aucune gestion des stocks naturels, se prolongea jusqu'après la seconde guerre mondiale.
Pourtant, dès 1870, le docteur Bouchon-Brandely, envoyé de France pour faire une étude sur cette matière première, tira la sonnette d'alarme, en prévoyant que les lagons finiraient par devenir des déserts ; alors qu'au début du XIXe siècle, certains visiteurs expliquaient que l'on avait du mal à marcher dans peu d'eau tant il y avait de ces nacres coupantes partout, au tournant du siècle suivant, il était nécessaire aux plongeurs de descendre de plus en plus bas pour trouver des coquilles de taille suffisante.
A l'époque, c'est tout un folklore qui était né autour de ces campagnes. Les plongeurs descendaient parfois à plus de 40 m, lestés d'une gueuse de 8 kilos de plomb. Une paire de lunettes, un gant et un filet constituaient le seul équipement de ces aventuriers que guettaient les murènes, les requins mais aussi les accidents de plongée, dont le fameux "vana taravana", qui faisait perdre la raison..
Avec des hauts et des bas dans la production comme dans les cours, ce que l'on appelait alors "la plonge" se poursuivit jusque dans les années soixante, même si l'invention du bouton en plastique, en 1957, sonna le glas de cette activité.
Avant la première guerre mondiale, les récoltes annuelles ne dépassaient guère 600 tonnes ; entre les deux grands conflits, on dépassa 1200 tonnes (1350 tonnes en 1924 : on avait inventé l'ancêtre du masque, des lunettes étanches redoutablement efficaces) pour redescendre sous la barre des 1000 tonnes/an après la seconde guerre mondiale (500 à 800 tonnes/an en moyenne), et pour finir enfin à... 2 tonnes en 1979. Les Tuamotu et les Gambier étaient les archipels mis systématiquement en coupe réglée, mais la destruction de la ressource avait imposé à la fois des quotas par atoll, des dates de plonge très strictes, des années de repos (une saison de plonge tous les 4 ans) et des secteurs sans plonge, de véritables "réserves".
Face à cet appauvrissement dramatique, dès le début du XXe siècle, des expériences non pas de reproduction, mais de collectage des "bébés-nacres", les naissains, avaient eu lieu, mais le pillage sauvage rapportait suffisamment pour que l'insouciance générale l'emporte.
En 1954, l'urgence était telle que le service de la Pêche décida tout de même de se plier aux recommandations émises par de précédents spécialistes : la récolte de naissains sur des supports (fagots de miki miki notamment, un petit arbuste des rivages paumotu) fut relancée dans plusieurs atolls et si les résultats ne furent jamais extraordinaires, on peut tout de même noter que ce sont sans doute ces travaux assez empiriques qui sauvèrent l'espèce de la disparition totale.
Tant qu'il ne fut question que de récolte de coquilles, le captage des naissains ne souleva pas l'enthousiasme de ceux qui vivaient de la nacre, car il supposait une planification à moyen terme, ce qui n'est guère dans les traditions locales ; mais le maintien de la ressource permit, dans les années soixante-dix, dès que la perliculture s'imposa, de mobiliser les énergies pour accroître le nombre de nacres.
Pinctada margaritifera n'était pas passée loin de l'extinction. Grâce à l'opiniâtreté de chercheurs rarement aidés ou reconnus durant les premières décennies de ce siècle, on compte aujourd'hui ces bivalves en millions d'individus... La perle de culture, à cause de la plonge, a bien failli ne jamais voir le jour... Takapoto, Manihi, les Gambier, Marutea sont des atolls où les captages de naissain ont donné d'excellents résultats, permettant ainsi de relancer l'activité perlière, grâce à des stocks naturels qui n'avaient pas été totalement épuisés. Mais il s'en fallut de peu !
(En 1995, les exportations de nacres ont représenté 484 tonnes de coquilles, pour une valeur totale de 1,5 million d'EURO.)

DES PIONNIERS AUX TUAMOTU
Le sauvetage des dernières nacres dans les lagons des Tuamotu coïncida avec un regain d'intérêt pour les perles que Pinctada margatitifera fabriquait jadis, il est vrai très rarement. Les anciens Polynésiens d'ailleurs, faute de pouvoir travailler et percer ces curiosités naturelles ne leur accordaient pas une grande valeur.
C'est un métropolitain curieux, vétérinaire de son état, Jean Domard, qui reprit les travaux de ses prédécesseurs et qui s'imprégna au Japon des techniques nippones de greffe, au début des années soixante. Chef du service de la pêche, il est vite convaincu que l'on peut obtenir des grandes nacres polynésiennes des perles exceptionnelles. Il travaille avec acharnement, et en 1965, il procède à une récolte test : les perles polynésiennes de culture voient cette année-là pour la première fois la lumière du soleil, qu'elles éclipsent tant leur orient est somptueux. Jean Domard a gagné, grâce à un greffeur japonais qu'il avait eu la sagesse de faire venir d'Australie, après avoir essuyé trop d'échecs en tentant de greffer lui-même.
Mais le secteur public n'est pas encore prêt et ne comprend pas la formidable opportunité qui s'offre à toute la Polynésie.
C'est un journaliste local, aventurier et entreprenant, Koko Chaze, qui va croiser la route de Domard et se lancer, dans un premier temps, dans la fabrication de demi-perles. Koko Chaze s'installe alors à Manihi, dont il va changer la destinée, et fait sa première récolte un an plus tard.
Dans le même temps, une famille de joailliers parisiens, les Rosenthal, ont découvert la récolte de Jean Domard ; le père les fait reconnaître par le Gemmological institute of America et ses deux fils s'associent à Koko.
En 1970, nos trois "fermiers" se lancent dans la perle ronde. Un pari qu'ils gagneront...
Autres grands pionniers, Paul Yu, le docteur Jean-Paul Lintilhac, chirurgien esthétique, Jean-Pierre Fourcade, Yves Tchen Pan (qui introduisit la perliculture aux Iles Cook), Jean Tapu (ancien champion du monde de chasse sous-marine), Jean-Claude Brouillet (fondateur d'Air Gabon) et enfin Robert Wan, surnommé par les médias "l'empereur de la perle de Tahiti". Robert, comme l'appellent familièrement ceux qui l'approchent, règne sur trois fermes immenses aux Gambier, possède également l'atoll de Marutea Sud (avec trois autres fermes), celui de Nengo Nengo (1 ferme) et celui de Anuraro (1 ferme), et s'est également implanté à Fakarava (1 ferme), Manihi (1 ferme) et Katiu (1 ferme).
A lui seul, il a pesé jusqu'à 70 % de la production perlière de toute la Polynésie française, et il récolte encore aujourd'hui plus de 50 % des perles produites sur le territoire.
Un autre pionnier mérite d'être cité pour son dynamisme et son ardeur à promouvoir la perle noire: Salvador J. Assaël, grossiste new-yorkais, n'est pas un fermier, mais l'un de ceux qui parvinrent à imposer cette gemme des mers du Sud dans les plus grandes bijouteries-joailleries du monde, de Manhattan à la Place Vendôme à Paris.

RUÉE SUR L'OR NOIR
Le succès des premiers pionniers de la perliculture fit à la fois des envieux et des émules. En fait, la perliculture allait littéralement redonner vie à certains atolls des Tuamotu qui se dépeuplaient dramatiquement, les populations étant, avant le développement de cette activité nouvelle, attirées par les néons de Papeete.
C'est le cas, par exemple de Takaroa et de Takapoto, aux Tuamotu du Nord, mais également de biens d'autres petites îles où le nombre de concessions maritimes a littéralement explosé dans les années quatre-vingt : Hikueru, Fakarava, Kauehi, Makemo, Anna, ... un grand nombre d'atolls ont aujourd'hui mobilisé leurs énergies pour produire des perles. La fin de la période de tâtonnement sur le plan technique, les cours au plus haut, tout était réuni pour que les demandes de concessions maritimes grimpent en flèche : plus de 800 à la fin des années quatre-vingt, plus de 2000 en 1990 et 1991.
La machine s'était visiblement emballée, et sur des atolls trop convoités, comme Takapoto, on en vint même parfois aux mains entre anciens fermiers et nouveaux arrivants.
Collectage (pour les lagons qui s'y prêtent) et greffe sont les deux aspects très distincts de cette industrie, car si certains lagons se prêtent particulièrement bien à la production de perles, en revanche ils sont parfois pauvres en nacres. D'où, au sein des Tuamotu, d'incessants transferts de jeunes nacres, par avion ou par bateau, des opérations qui ne sont pas sans danger pour l'équilibre écologique du milieu lagonaire : des épidémies se sont ainsi propagées et les taux de mortalité ont parfois été très élevés au sein de nombreuses colonies de nacres, avant ou après leur greffe, à cause de tel ou tel virus trop vite répandu.
Cette concurrence débridée devait également et très logiquement, aboutir à une désorganisation du marché, trop de petits producteurs très endettés ayant à écouler en même temps leurs productions, souvent de qualité médiocre, à un nombre tout de même limité d'acheteurs.
Les lois du marché ont dû commencer à rééquilibrer la situation, nombre d'expériences perlicoles s'étant soldées par des échecs.
Les statistiques officielles de 1997, portant sur le nombre de concessions maritimes accordées, font apparaître que 2010 concessions de collectage, 1603 concessions d'élevage et 1328 concessions de greffe étaient autorisées cette année-là, soit un total de 4941 concessions ; mais toutes ces concessions ne génèrent pas forcément une ferme en activité derrière ce qui n'est qu'une autorisation administrative, et enfin nombre de fermes disposent des autorisations pour les trois activités répertoriées. Néanmoins, on peut considérer qu'il y a plus de 1000 fermes actuellement en exploitation, essentiellement aux Tuamotu-Gambier.
Récemment, dans les années 90, se sont les îles de la Société, Maupiti et Taha'a plus particulièrement, qui se sont à leur tour lancées dans cette activité et c'est ainsi que l'on voit aujourd'hui des petits "fare-greffe" piqueter de leurs toits de tôle les lagons de ces îles. En revanche, les Australes semblent peu propices à la perliculture, tout comme les Marquises dont les côtes ne sont pas protégées par des barrières de corail, même si Pinctada margaritifera se rencontre sur les rochers à faible profondeur.

ROBERT WAN, N°1 INCONTESTÉ
Robert Wan : son nom est aujourd'hui entré dans la légende de la perle de culture de Tahiti. Sourire et poigne de fer, il a dû savoir tout faire pour réussir avec autant d'éclat. Pour lui, tout commença modestement, aux Gambier.
En 73-74, M. Stein, du service de la Pêche, le pousse dans le sillage des premiers pionniers. Robert Wan "sent" que cette activité balbutiante va prendre un essor considérable. Sa rencontre au Japon avec M. Sato, un professeur de 80 ans, ami de Mikimoto, le décide. William Reed avait créé "Tahiti Perles" aux Gambier. Robert Wan rachète la jeune société en 74 et entame ses premières greffes dès 1975. Les débuts ne sont pas brillants : 20 000 nacres greffées, et, deux ans plus tard, à peine 1700 perles.
Robert Wan n'est pas un rêveur mais un homme d'affaires. Là où d'autres se seraient découragés, il persévère, s'entête, se bat. "Je suis têtu" dit-il. Un entêtement qui s'avère payant puisqu'en 1979, son entreprise devient enfin rentable. Il aurait pu se contenter d'engranger des bénéfices. Il préfère tout réinvestir dans le travail, technique ou commercial. "Je vis à 100% de mon temps pour les perles". En 1984 , il rachète l'atoll de Anuraro. Puis Marutea en 1985 quand Jean-Claude Brouillet se retire, après deux terribles cyclones. Puis beaucoup plus tard, Nengo-Nengo. Puis d'autres fermes encore...
Travailleur acharné, il est aussi bien dans ses bureaux à jongler avec fax, téléphone et fuseaux horaires, que sur le terrain, les pieds dans l'eau, des nacres à la main.
Il faut innover en permanence et en plus gagner la plus difficile bataille, celle des marchés extérieurs. Robert Wan avait donné l'assaut au Japon, pendant que Jean-Claude Brouillet attaquait les États-Unis. La synergie des deux démarches a consolidé la position de leader de "Tahiti Perles", même si, avec humour et humilité, Robert Wan sait raconter ses premières ventes, où il n'obtenait pas le quart du prix qu'il escomptait.
Optimiste de nature, sa force tient aussi à son sens des réalités : on le dit vigilant et méfiant. En tous les cas attentif, car "la perle de culture revient très cher". Il est le premier, certes, avec plus de la moitié de la production de perles de Polynésie française, mais sans jamais donner l'impression d'être installé sur la plus haute marche.
Son combat pour la perle, Robert Wan le mène chaque jour depuis trois décennies. Et il continue aujourd'hui avec la même foi, la même conviction, la même fougue, car, dit-il volontiers, "j'aime les perles".

UN PEU DE VOCABULAIRE
L'évocation de la perliculture amène à utiliser un certain nombre de termes techniques dont il est bon de connaître la signification avant de se plonger dans cet univers.
Voici les mots clés du langage des perliculteurs.

Ferme: désigne les installations terrestres et sous-marines permettant de produire des perles de culture. On parle volontiers de "fermes" mais de perliculteurs plutôt que de "fermiers".

Station: terme désignant les installations sous-marines implantées dans le lagon, entre la surface et le fonds, où grandissent les nacres destinées à la greffe ou greffées.

Fare greffe: désigne le petit bâtiment que possède chaque ferme, souvent sur pilotis, où les greffeurs opèrent les nacres.

Détrocage: action de séparer les jeunes nacres qui ont tendance à s'agglutiner dans le plus grand désordre sur les collecteurs. Une fois séparée, chaque nacre est nettoyée, puis percée pour ensuite être suspendue à une station sous-marine, en attendant qu'elle ait la taille pour être greffée (11cm environ de diamètre).

Perle: concrétion généralement arrondie, brillante et dure, formée de nacre, s'étant agglomérée en couches successives et concentriques autour d'un corps étranger dans un certain nombre de mollusques d'eau douce ou d'eau de mer.

Mabé (nom masculin invariable): demi-perle obtenue à partir d'un noyau posé sur l'intérieur d'une nacre, sous le "manteau" de l'animal (Exportations en 94 : 24,2 kilos pour 150 000 EURO).

Manteau: chez un mollusque, replis de peau recouvrant la masse viscérale, et qui sécrète la coquille de l'animal, sans y adhérer.

Naissain: désigne l'ensemble des larves nageuses de bivalves (huîtres, nacres, moules) avant leur fixation. Par extension le mot naissain désigne les petites nacres fixées sur des collecteurs, après que les larves aient terminé leur vie benthique et se soient accrochées à un support

Collecteur: procédé artificiel (troncs d'arbres, fagots de miki miki, treillis, grillages, etc. ..) permettant de fixer les larves nageuses des nacres, les naissains.

Nucleus ou noyau: petite perle fabriquée à partir de la coquille d'un mollusque bivalve vivant dans les eaux du Mississipi. C'est lui qui est introduit dans la nacre au moment de la greffe, avec le "greffon".

Greffon: fragment du manteau d'une nacre que l'on glisse dans la gonade de la nacre que l'on greffe, en même temps que le nucleus.

Keshi (nom masculin invariable): en quelque sorte une "perle manquée", puisqu'il arrive que la nacre greffée rejette le nucleus et ne conserve dans sa gonade que le petit greffon. Celui-ci, sans forme précise bien définie, déclenche le processus de fabrication de l'aragonite ; la nacre fabrique alors une perle naturelle de forme très variable et sans noyau. (Exportations en 1995 : 57 kilos pour 800 000 EURO)

Poche perlière: appendice dans lequel on introduit le nucleus et le greffon durant la greffe.

Greffe: opération réalisée par l'homme et consistant à introduire dans la poche perlière d'une nacre un nucleus et un greffon, en vue de lui faire fabriquer une perle. Un bon greffeur opère 300 nacres par jour environ.

Surgreffe: opération consistant à récolter une perle produite après une première greffe par une nacre, et à réintroduire immédiatement dans la poche perlière un nucléus plus gros que le premier, pour lui faire fabriquer une seconde perle de diamètre plus important.

Aragonite: carbonate de calcium, CaCO3, entrant dans la composition des coquilles de mollusques d'eau, et matière essentielle composant les perles.

Conchyoline: matière organique que l'on trouve en petite quantité dans la perle (5% environ), servant de trame aux cristaux d'aragonite.

Orient: jeu de lumière sur une perle, qui peut varier en fonction de la manière dont les couches d'aragonite se sont déposées autour du noyau de la perle. Certaines perles ont un orient faible (elle sont plutôt mates), d'autres au contraire ont un orient très dense, car la lumière semble jouer en profondeur dans les couches superficielles de la perle.

Lustre: désigne la brillance -sur sa surface- d'une perle soumise à une lumière directe; à ne pas confondre avec l'orient, plus "intérieur".

Blister: boursouflure que présentent certaines coquilles de nacre sur leur face inférieure. C'est souvent le fruit du piégeage d'un corps étranger entre la coquille et le manteau, l'aragonite étant boursouflée par la décomposition du corps organique prisonnier.

CHOISISSEZ VOTRE PERLE DE TAHITI
Les connaisseurs se basent sur un certain nombre de critères pour évaluer et choisir une perle de Tahiti. Mais au-delà de toutes les classifications, si rigoureuses soient-elles, souvenez-vous que le choix d'une perle est avant tout une question de coup de cœur. Achetez une perle d'abord parce que vous l'aimez !
Les principaux critères utilisés sont les suivants : la taille, l'orient et le lustre, la couleur, la forme et la pureté de la perle.

La taille

Plus grosses que les perles japonaises, les perles de Tahiti peuvent atteindre des dimensions impressionnantes.
Pinctada margaritifera produit des perles dont le diamètre moyen est de 9 à 10 mm. Au-delà de 11,5 mm, elles deviennent beaucoup plus rares. Celles qui dépassent 15 mm sont exceptionnelles ; sachez enfin qu'il en existe qui dépassent 20 mm...

L'orient et le lustre

Lors de la formation de la perle, les couches perlières viennent se superposer les unes aux autres. De leur qualité, dépendra l'orient de la perle.
L'orient est le jeu de lumière dans la profondeur de l'aragonite, en quelques sorte la profondeur de son éclat. Il est la manière dont la nacre reflète et décompose la lumière à travers les cristaux d'aragonite secrétés autour du noyau.
L'orient est le gage d'une perle de grande qualité.
Le lustre, lui, est la réflexion de la lumière sur le pourtour de la perle. Il définit son éclat en surface ; c'est le "brillant" de la perle.


La couleur

Il existe un lien entre la couleur d'une perle et celle du manteau des nacres. Mais les "poe rava", nom tahitien des perles de Tahiti, ne sont pas toutes foncées. Le noir de référence se décline en fait dans toutes les nuances du gris, jusqu'à des gris très clairs, presque blancs. Sur ce "noir" se greffe ensuite tout ce qui fait le charme des perles de Tahiti, dont il n'existe probablement pas deux exemplaires parfaitement identiques au monde : les reflets des couleurs peuvent varier du gris métallique au doré, en passant par le rose, le vert, le bleu, le crème, le vert paon, l'aubergine, le mordoré et parfois même toutes les couleurs ou presque de l'arc-en-ciel. "Aubergine" (rose foncé) et "aile de mouche (vert métallique) sont deux nuances très recherchées. Mais là encore, l'appréciation et le choix sont avant tout affaire de critères personnels.

La forme

Si les perles blanches du Japon sont rondes, les perles de Tahiti offrent aux amateurs une grande variété de formes, depuis la sphère parfaite, jusqu'à la construction baroque, en passant par le bouton, la poire, la goutte (appelée aussi "drop"), la cerclée, l'ovale. Certaines formes sont particulièrement originales et sont très recherchées, mais les très classiques perles rondes et perles en forme de poire demeurent des valeurs sûres.
Lorsque l'on achète une perle, au-delà de sa forme, il convient de veiller à ce qu'elle soit symétrique, de manière à ne pas risquer, par la suite, de porter un bijou déséquilibré. Les plus rares sont celles qui sont parfaitement rondes et symétriques, et leur prix est le plus élevé.

La pureté

Prenez une perle noire dans vos doigts ; est-elle rayée, peut-on y déceler des traces, des trous, des aspérités, des éraflures, des taches, des rugosités ? Seul un examen méthodique, lent et approfondi, permet de détecter les défauts qui peuvent marquer une perle. Il faut patiemment la tourner et la retourner pour en apprécier la perfection. Si la perle n'est pas montée, un seul petit défaut très localisé peut être un moyen d'acheter une perle moins chère que si elle était parfaite, pour la faire ensuite percer et monter à l'emplacement même de ce petit défaut, de manière à le masquer.
Il est extrêmement rare de trouver une perle totalement exempte de microscopiques aspérités, perles méritant d'être considérées comme des "perfections naturelles".

Et les keshi ?

Au cours du processus de création de la perle, il arrive que l'huître rejette le noyau. Il peut alors se former des keshi, perles sans nucleus, de faible diamètre et de forme baroque, présentant une grande variété de formes, tailles et couleurs. Ces petites perles, très appréciées, peuvent atteindre la valeur des autres perles.
Les keshi constituent des éléments de parure superbes, grâce à leur brillant souvent argenté, à leur fantaisie, leur fraîcheur et leur légèreté.

Classification des perles (par la société Tahiti Perles)
Catégorie Orient Eclat Défaut
Top Très profond Très élevé Aucun
A Très profond Très élevé Infimes
B Très profond Elevé Quelques-uns
C Profond Elevé Infimes
D Profond Moyen Quelques-uns
Rebuts Faible Faible Importants


Des perles baroques ou demi-rondes peuvent ainsi réunir les conditions capables d'en faire des pièces de très grande qualité. Quant aux keshi, leur taille, leur texture et leur éclat serviront de critères essentiels pour leur choix.

LE MUSÉE DE LA PERLE
Sous l'impulsion de Robert Wan, la société "Tahiti Perles" a créé, à Papeete, un véritable Musée de la perle, espace consacré à l'information du public.
Ses créateurs et initiateurs sont partis du principe simple que pour aimer une perle, il fallait apprendre à la connaître. Or la perle de Tahiti, née il y a finalement peu de temps, est encore nimbée d'une aura de mystère, certes favorable à son image un peu magique, mais peu compatible avec une gemme destinée à conquérir le monde.
Le pari difficile du musée était de conserver à la perle de culture de Tahiti la part de rêve qu'elle véhicule, tout en expliquant de manière didactique son histoire, son élaboration, et les difficultés de sa fabrication. La réalisation très réussie de ce musée unique en son genre est due à Guy Wan, le fils de Robert Wan, qui a su conjuguer objets anciens ou modernes, maquettes, documents écrits et photographiques et documents audiovisuels.
En une petite heure, un visiteur totalement béotien lorsqu'il pousse l'huis du musée, peut en ressortir parfaitement capable d'apprécier la qualité d'une perle, tout en connaissant mieux sa genèse.
Le musée a également su, et c'est tout à l'honneur de ceux qui l'ont conçu, se doter d'une dimension culturelle en intégrant dans ses collections les objets usuels ou rituels en nacre qui accompagnaient la vie des anciens Polynésiens.
Ayant entamé sa seconde décennie, ce musée, qui a vu défiler des milliers et des milliers de visiteurs, est devenu une référence pour tous ceux qui, un jour, ont eu la chance de se pencher sur ces petites billes d'aragonite que sont les perles de Tahiti. Un très bel outil pédagogique, promotionnel et même culturel, tant il est vrai que la perliculture est aujourd'hui partie intégrante de vie de la Polynésie française.

TOURISME "PERLICOLE" À MANIHI
Les amateurs de gemmes le savent bien : que l'on visite le Brésil ou la Thaïlande, il n'est jamais facile de remonter la filière séparant la bijouterie de la mine produisant une pierre ; pas facile de s'enfoncer dans le Minas Gerais à la recherche des tourmalines, topazes et autres aigues-marines ; encore moins facile à la frontière cambodgienne de pénétrer dans les champs de rubis récoltés dans des alluvions ; impossible quasiment de se rendre en Colombie dans les mines d'émeraudes de Muzo ou de Chivor. Danger, goût du mystère, trafics secrets, marché noir sont autant de bonnes raisons avancées pour écarter les touristes de tout ce qui les rapprocheraient des sources de pierres précieuses.
Cette règle souffre pourtant quelques exceptions, et la perle de Tahiti fait partie de ces gemmes dont on peut découvrir la mystérieuse élaboration à partir d'un confortable hôtel, implanté dans un lagon paradisiaque.
C'est donc une étape initiatique que nous vous proposons, dans le berceau même de la perliculture polynésienne, l'atoll de Manihi : c'est en effet au Nord de l'archipel des Tuamotu que cette "industrie" est née il y a quelques décennies. Sur place, à près de 500 km de Tahiti, un hôtel, le "Kaina Village", créé par un des pionniers de la perliculture, Koko Chaze, a toujours eu pour tradition de marier les plaisirs touristiques classiques d'un atoll à la découverte de la perle de Tahiti. Lorsque cet hôtel a été racheté il y a quelques années, et totalement reconstruit, ses nouveaux propriétaires, grâce à la complicité établie avec des fermiers locaux, ont continué et continuent à systématiquement ouvrir le monde de la perliculture aux touristes de l'hôtel.
Ainsi un séjour, même bref, au "Manihi Pearl Beach Resort Hôtel" permet-il une immersion dans le monde de la perle, puisque la ferme de Laurence et Rémy Bouché, propriétaires de la "Compagnie perlière des Tuamotu", est en permanence grande ouverte aux visiteurs. Les plus hardis et les plus décidés pourront d'ailleurs préparer, avec le centre de plongée sous-marine de l'hôtel, "Tahiti Blue Nui", des excursions subaquatiques sur les stations où paraissent sommeiller des milliers de nacres dont les tissus secrètent dans le silence du lagon les précieuses perles de Tahiti. Un spectacle inoubliable...
Il y a certes bien d'autres possibilités dans l'archipel des Tuamotu et même aux Iles-sous-le-Vent, de découvrir la perliculture, à partir notamment de pensions de familles et de petites fermes, mais c'est sans doute à Manihi que ce "tourisme perlicole" est le plus ancien et le mieux organisé. Une porte d'entrée à pousser... avant celle d'une bijouterie...

GAUGUIN ET LES PERLES
L'artiste-peintre le plus célèbre de la Polynésie française est sans conteste Paul Gauguin, qui passa à la postérité grâce à sa maîtrise des couleurs. Mais l'artiste fut aussi sculpteur, ce que le grand public sait moins, et deux de ses œuvres mettent en scène la nacre et la perle.

L'Idole à la coquille

1892
Hauteur 27 cm ;
Diamètre 14 cm
Toa (bois de fer); personnage assis dans la position du lotus décoré de nacre (auréole et pectoral) et d'os (dents).
Paris, Musée d'Orsay. Acquis de Mme Huc de Monfreid, sous réserve d'usufruit, 1951; entré au Louvre, 1968

Cette idole est la plus sauvage des sculptures que Gauguin qualifiait d'" ultra-sauvages " dans une lettre à Daniel de Monfreid. Elle réunit des éléments issus de sources disparates pour illustrer les épisodes que l'artiste jugeait fondamentaux dans l'ancien mythe polynésien de la création de l'univers. C'est l'une de ses deux œuvres connues qui pourraient correspondre aux sculptures sur bois de fer dont Gauguin parlait dans une autre lettre à Monfreid, écrite sans doute vers le mois d'août 1892.
Le personnage principal, assis jambes croisées, est identifiable grâce à la coquille qui lui fait une auréole. D'après Moerenhout, qui laissait entendre que les indigènes adoraient des idoles comparables à celles de l'île de Pâques, " Taaroa est la clarté, il est le germe, il est la base, il est l'incorruptible, le fort qui créa l'univers grand et sacré qui n'est que la coquille de Taaroa ".

L'Idole à la perle

Probablement 1892
Hauteur 25 cm
Diamètre 12 cm
Bois de tamanu polychrome et doré ; personnage assis dans la position du semi-lotus, décoré d'une perle et d'un collier en or à pendentif en étoile.
Paris, Musée d'Orsay. Don de Mme Huc de Monfreid, 1951; entré au Louvre, 1968

L'Idole à la perle fut l'une des quelques œuvres choisies par Gauguin pour être photographiées à des fins publicitaires, et pourtant des incertitudes subsistent quant à sa date, et donc à la place qu'elle occupe dans l'évolution de l'artiste. Le personnage principal de l'Idole à la coquille est de sexe masculin, et le coquillage désigne Taaroa, dieu suprême du panthéon polynésien, tandis que dans l'idole à la perle, le personnage analogue a des cheveux longs et des seins. La perle incrustée sur le front de la statuette pourrait correspondre à la touffe de cheveux visible sur certaines images du Bouddha, et renvoyer à la vision intérieure associée à un troisième œil. Si l'on a pu proposer d'interpréter cette perle comme le coquillage de Taaroa, le pendentif d'or en forme d'étoile dont Gauguin a paré son idole n'a aucune relation symbolique apparente avec ce dieu, ni avec Bouddha.

LA FEMME ET LA PERLE
Tout a sans doute déjà été dit, écrit, pensé ou osé à propos du mariage perle de Tahiti-femme.
L'une et l'autre semblent indissociablement liées, tant leurs points communs sont nombreux ; charme, douceur, volupté, mystère...
Nul doute que la première est faite pour porter la seconde, l'une et l'autre ne faisant que rehausser ainsi leurs charmes respectifs.
Une image toutefois plus forte rapproche la femme de la perle : c'est dans la douleur que la seconde est conçue, douleur de l'opération chirurgicale qu'est une greffe, et c'est dans la douleur aussi que la perle est enfantée. Le parallèle avec la femme est évident et crée un lien subtil supplémentaire entre ces deux symboles de la féminité.
Autre parallèle, le soin à apporter à une perle, comme à la plus fragile et la plus exigeante des femmes. Précieuse gemme naturelle, la perle de Tahiti, parce qu'elle est vivante (elle contient des protéines, la conchyoline, et également un très faible pourcentage d'eau) peut mourir, faute de soins.
Ainsi est-il arrivé dans le passé que des perles blanches, enfermées pendant des décennies dans des coffres, finissent en simples billes mates, sans reflet ni lustre. Il peut en aller de même pour une perle de Tahiti qui ne supporte -pas plus que la femme- les agressions chimiques, physiques ou thermiques.
Ainsi évitera-on de soumettre les perles de Tahiti directement à des parfums ou à des déodorants ; on leur épargnera également les liquides vaisselle, corrosifs, et de manière générale le contact avec les produits d'entretien domestiques. Pour une meilleure conservation, il convient de temps en temps de les immerger dans un bain d'eau légèrement salée.
La dureté des perles étant faible, il ne faut surtout pas les ranger avec des bijoux de pierres dures, car elles finiraient immanquablement par être rayées. En règle générale, compte tenu de la fragilité de l'aragonite aux acides, laques et parfums seront appliqués avant de porter le bijou de perles et non après.
Enfin un petit rinçage, avec de ranger une parure de perles de Tahiti n'est pas superflu pour enlever toute trace de transpiration sur le bijou : rinçage, séchage et également lustrage à la peau de chamois (sur laquelle on aura versé au préalable un peu d'huile douce) complète cet entretien.
Personne, mieux qu'une femme, ne peut comprendre une perle et satisfaire ses besoins ; la perle de Tahiti ne gardera tout son éclat, toute sa fraîcheur et toute son iridescence qu'au contact d'une personnalité qui saura prévenir ses désirs. "Perle des reines", la "reine des perles" mérite de l'attention, comme celle qui la porte.

LA PERLE DE TAHITI ADOPTÉE PAR LA HAUTE JOAILLERIE
A la fin des années soixante, les perles de culture de Tahiti étaient parfaitement inconnues. La première récolte de Jean Domard, en 1965, laissa le monde de la bijouterie indifférent, dans la mesure où personne ne connaissait cette perle, et il fallut l'enthousiasme de pionniers comme le bijoutier Rosenthal, les producteurs Jean-Claude Brouillet et Robert Wan, pour faire entrer la perle de Tahiti dans la cour des gemmes de très haut rang.
Tandis que Robert Wan faisait reconnaître et accepter la perle de culture de Tahiti au Japon, premier marché mondial de la perle, MM. Rosenthal et Brouillet se tournèrent pour leur part vers les Etats-Unis et l'Europe ; ils furent ensuite relayés par Salvador Assaël, grossiste new-yorkais de renom, fanatique inconditionnel des perles des mers du Sud, la "Perle de Tahiti" comme la "South Sea pearl".
En 1976, le GIA, "Gemmological Institute of America", reconnut le caractère authentique des perles de cultures de Tahiti. En 1989, la désignation officielle de cette gemme devint "Perle de culture de Tahiti", appellation fixée par la CIBJO, "Confédération internationale de la bijouterie joaillerie et orfèvrerie".
Durant les années quatre-vingt, alors que la perliculture connaissait un développement sans précédent dans les Tuamotu, et même aux Iles-sous-le-Vent, les Pouvoirs publics polynésiens, conscients de la fragilité des producteurs face aux lois du marché, fédérèrent leurs intérêts commerciaux au sein d'un groupement d'intérêt économique, le "GIE Perles de Tahiti". Celui-ci, financé grâce à des taxes à l'exportation, entreprit une formidable campagne de promotion visant à mieux faire connaître la perle de Tahiti dans le monde. Le GIE multiplia ses opérations de prestige, dont les traditionnelles "Journées internationales de la perle", qui se tiennent chaque année à Papeete. Les plus grands joailliers de la planète, les Parisiens de la place Vendôme, les Italiens, les Américains, les Japonais, se succèdent au fil des ans, et les plus grandes maisons ont aujourd'hui adopté la perle de Tahiti comme matière première de très haut de gamme. Dans le même temps, le nombre de célébrités et de stars apparaissant parées de perles de Tahiti n'a cessé d'augmenter, preuve que la petite "poe rava" a réussi son entrée dans le monde...
Parmi les bijoutiers-joailliers travaillant régulièrement la perle de Tahiti, citons la maison Van Cleef et Arpels, la société Mikimoto, les firmes Adler, Cartier, Chanel, Fred Joaillier, Mauboussin, Poiray, Tiffany, Verney, liste loin d'être exhaustive...
Un ouvrage, paru en 1996, illustre bien cette communion entre la perle de culture de Tahiti et la haute joaillerie : "la perle de Tahiti rêvée par les grands joailliers" est une époustouflante vitrine de joyaux, tous plus somptueux les uns que les autres...


Daniel PARDON, copyright PACIFIC PROMOTION TAHITI